Gouvernements canadien et américain

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4.1

Quest-ce que cela signifie? Quelle différence cela fait?

Canada et États-Unis sont les deux démocraties. Ce sont également tous deux des États fédéraux. Mais il existe des différences importantes dans la manière dont les Canadiens et les Américains se gouvernent.
Une différence fondamentale est que les États-Unis nont pas de langues officielles, alors que le Canada en a deux. Les Pères de la Confédération ont délibérément choisi de le faire.
Notre reconnaissance officielle du bilinguisme est limitée, mais en expansion. Par exemple, cest à la demande expresse du gouvernement du Nouveau-Brunswick que ladoption du français et de langlais comme langues officielles de cette province a été inscrite dans la Constitution. LOntario, qui compte le plus grand nombre de francophones à lextérieur du Québec, offre des écoles françaises et une gamme croissante de services en français aux Franco-Ontariens. Plusieurs autres provinces ont pris des mesures dans le même sens.

Mais en vertu de la Constitution, toutes les provinces à lexception du Québec, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba sont absolument libres davoir autant de langues officielles quil leur plaît, et ils ne doivent inclure ni langlais ni le français. Par exemple, la Nouvelle-Écosse pourrait faire du gaélique sa seule langue officielle, ou lune des deux, trois ou une douzaine de langues officielles dans cette province. LAlberta pourrait faire de lukrainien sa seule langue officielle, ou de lukrainien, du polonais et du grec classique ses trois langues officielles. Le Québec, le Nouveau-Brunswick et le Manitoba sont également libres davoir autant de langues officielles quils le souhaitent, mais ils doivent inclure le français et langlais.
Une deuxième différence fondamentale entre notre Constitution et celle des Américains est, bien sûr, que nous sommes une monarchie constitutionnelle et qu’ils sont une république. Cela ne ressemble quà une différence formelle. Cest beaucoup plus, car nous avons un gouvernement parlementaire-cabinet, tandis que les Américains ont un gouvernement présidentiel-congressionnel.

4.1

Quest-ce que cela signifie? Quelle différence cela fait-il?

Premièrement, aux États-Unis, le chef dÉtat et le chef du gouvernement sont une seule et même personne . Le président est les deux à la fois. Ici, la reine, normalement représentée par le gouverneur général, est le chef de lÉtat et le premier ministre est le chef du gouvernement. Cela fait-il une réelle différence? Oui: au Canada, le chef de lÉtat peut, dans des circonstances exceptionnelles, protéger le Parlement et le peuple contre un premier ministre et des ministres qui peuvent oublier que «ministre» signifie «serviteur» et peuvent essayer de se faire maîtres. Par exemple, le chef de lÉtat pourrait refuser de laisser un cabinet dissoudre une Chambre des communes nouvellement élue avant même quelle ne puisse se réunir, ou pourrait refuser de laisser les ministres matraquer le peuple pour quil se soumette par une série continue délections générales. Le chef dÉtat américain ne peut pas retenir le chef du gouvernement américain parce que cest la même personne.

© Dianne Brydon

Le Congrès se réunit au Capitole, à Washington, DC

Pour autre chose, le gouvernement présidentiel-congressionnel repose sur une séparation des pouvoirs. Le président américain ne peut être membre daucune des deux chambres du Congrès © Dianne Brydon. Aucun des membres de son cabinet ne le peut non plus. Ni le président ni aucun membre du cabinet ne peuvent comparaître au Congrès pour présenter un projet de loi, le défendre, répondre aux questions ou réfuter les attaques contre les politiques. Aucun membre de lune ou lautre chambre ne peut être président ou membre du cabinet.
Le gouvernement du cabinet parlementaire est basé sur une concentration des pouvoirs. Le Premier ministre et tous les autres ministres doivent, selon la coutume (mais pas par la loi), être membres dune chambre ou dune autre, ou obtenir un siège dans une chambre ou dans lautre dans un court laps de temps après leur nomination. Tous les projets de loi du gouvernement doivent être présentés par un ministre ou une personne parlant en son nom, et les ministres doivent comparaître au Parlement pour défendre les projets de loi du gouvernement, répondre aux questions quotidiennes sur les actions ou politiques gouvernementales et réfuter les attaques contre de telles actions ou politiques.
Aux États-Unis, le président et chaque membre des deux chambres sont élus pour des mandats déterminés: le président pour quatre ans, les sénateurs pour six (un tiers des sièges du Sénat étant contesté tous les deux ans), les membres de la Chambre de Des représentants pour deux. La seule façon de se débarrasser dun président avant la fin du mandat de quatre ans est que le Congrès le destine et le juge, ce qui est très difficile à faire.
En tant que président, les sénateurs et les représentants sont élus pendant des périodes différentes, il peut arriver, et il arrive souvent, que le président appartienne à un parti alors que la partie adverse a la majorité au Sénat ou à la Chambre des représentants ou les deux.Ainsi, pendant des années, le président peut voir sa législation et ses politiques bloquées par une majorité défavorable dans une ou les deux chambres. Le président ne peut pas faire appel au peuple en dissolvant lune ou lautre des chambres, ou les deux: il ou elle na pas un tel pouvoir, et les deux chambres sont là pour leurs mandats déterminés, quoi quil arrive, jusquà ce que lheure fixée par la Constitution sonne.
Et même lorsque les élections à la présidence, à la Chambre des représentants et au tiers du Sénat ont lieu le même jour (comme tous les quatre ans), le résultat peut être un président républicain, un Sénat démocrate et une Chambre républicaine des représentants ou divers autres mélanges.

Un président, en conséquence, peut avoir un programme cohérent à présenter au Congrès, et peut demander aux sénateurs et aux représentants de présenter les projets de loi quil souhaite adopter. Mais chaque maison peut ajouter à chacun des projets de loi, ou en retirer des choses, ou les rejeter carrément, et ce qui émerge de la bagarre peut avoir peu ou pas de ressemblance avec ce que le président voulait. La majorité des deux maisons peut avoir un programme cohérent sur tel ou tel sujet; mais lautre maison peut y ajouter, ou en retirer des choses, ou tout rejeter; et encore une fois, ce qui (le cas échéant) émerge peut avoir peu ou pas de ressemblance avec loriginal. Même si les deux chambres sentendent sur quelque chose, le président peut, et le fait souvent, opposer son veto au projet de loi. Le veto ne peut être annulé quà la majorité des deux tiers dans les deux chambres.
Alors quand une élection arrive, le président, le sénateur, le représentant, à qui on reproche de ne pas avoir tenu ses promesses peuvent toujours dire:

« Ne me blâmez pas ! Jai envoyé le projet de loi au Congrès © Dianne Brydon, et le Sénat (ou les représentants, ou les deux) la rejeté, ou la mutilé au-delà de toute reconnaissance »;

 » Jai présenté le projet de loi que javais promis au Sénat, mais la Chambre des représentants la rejeté ou réduit en lambeaux (ou le président a opposé son veto) « ;

 » Jai présenté mon projet de loi à la Chambre des représentants, mais le Sénat la rejeté ou en a fait du hachis (ou le président a opposé son veto). blâmez-moi! »

Donc, personne – ni le président, ni les sénateurs, ni les représentants – ne peut être tenu pour vraiment responsable de tout ce qui a été fait ou non. Toute personne concernée peut honnêtement et légitimement s oui, « Ne me blâmez pas! »
Certes, un électeur insatisfait peut voter contre un président, un représentant ou un sénateur. Mais peu importe ce que font les électeurs, la situation reste essentiellement la même. Le président est là depuis quatre ans et y reste quelle que soit la fréquence à laquelle lune ou lautre des chambres produit une majorité défavorable. Si, à mi-parcours du mandat de quatre ans du président, les élections à la Chambre et au Sénat renvoient des majorités défavorables, le président reste au pouvoir pendant les deux années restantes avec dénormes pouvoirs. Et il ou elle ne peut se débarrasser dune Chambre des représentants ou dun Sénat adverse en ordonnant une nouvelle élection. La majorité adverse dans une chambre ou dans les deux peut bloquer beaucoup de choses que le président peut vouloir faire, mais elle ne peut pas le forcer à démissionner. Le président peut opposer son veto aux projets de loi adoptés par les deux chambres. Mais le Congrès peut annuler ce veto par une majorité des deux tiers dans les deux chambres. La Chambre des représentants peut destituer le président, et le Sénat le juge alors et, sil en décide ainsi, à la majorité des deux tiers, le révoque. Aucun président na jamais été démis de ses fonctions et il ny a eu que trois tentatives pour le faire. Dans un cas, la majorité au Sénat était trop petite; dans le second, le président a démissionné avant tout vote de destitution à la Chambre des représentants; et dans le troisième, bien que le président ait été mis en accusation, il a été acquitté par le Sénat.

Notre système canadien est très différent. Les mandats ne sont pas fixés de manière rigide. Toutes les lois importantes sont présentées par le gouvernement, et tous les projets de loi visant à dépenser des fonds publics ou à imposer des impôts doivent être présentés par le gouvernement et aucune des deux chambres ne peut lever les sommes dargent en cause. Tant que le gouvernement peut conserver le soutien dune majorité à la Chambre des communes, il peut adopter toute loi quil juge appropriée à moins quune majorité défavorable au Sénat refuse dadopter le projet de loi (ce qui se produit très rarement de nos jours). Sil perd son appui majoritaire à la Chambre des communes, il doit soit céder la place à un gouvernement dun autre parti, soit déclencher de nouvelles élections. Sil cède simplement la place à un gouvernement dun autre parti, alors ce gouvernement, tant quil détient sa majorité à la Chambre des communes, peut adopter toute loi quil juge appropriée, et sil perd cette majorité, alors il, dans sa tour, doit soit céder la place à un nouveau gouvernement, soit déclencher de nouvelles élections. Aux États-Unis, le président et le Congrès peuvent être enfermés dans des combats infructueux pendant des années. Au Canada, le gouvernement et la Chambre des communes ne peuvent pas être en désaccord plus de quelques semaines à la fois.Sils diffèrent sur une question dimportance, il y aura alors, rapidement, soit un nouveau gouvernement, soit une nouvelle Chambre des communes.
Le gouvernement présidentiel du Congrès nest ni responsable ni réactif. Quelle que soit la fréquence à laquelle l’une des deux chambres vote contre les mesures du président, il ou elle reste là. Le président peut opposer son veto aux projets de loi adoptés par les deux chambres, mais ne peut pas faire appel au peuple en déclenchant une élection pour lui donner un Congrès qui le soutiendra. Le gouvernement parlementaire, en revanche, est à la fois responsable et réactif. Si les votes de la Chambre des communes manquent de confiance dans un cabinet, ce cabinet doit démissionner et faire place à un nouveau gouvernement formé par un parti dopposition (normalement lopposition officielle), ou déclencher immédiatement des élections pour que le peuple puisse décider quel parti gouvernera.
Un président américain peut être bloqué par une seule maison ou les deux pendant des années. Un premier ministre canadien, bloqué par la Chambre des communes, doit soit céder la place à un nouveau premier ministre, soit permettre au peuple délire une nouvelle Chambre des communes qui réglera la question, dune manière ou dune autre, dans un délai de deux ou trois mois. Cest une vraie responsabilité.

Une troisième différence fondamentale entre notre système et celui des Américains est que la coutume, lusage, la pratique et la « convention » jouent un rôle beaucoup plus important dans notre Constitution que dans la leur. Par exemple, le président des États-Unis est inclus dans la Constitution écrite: ses qualifications pour le poste, le mode délection, le mode de révocation – tous les pouvoirs essentiels du bureau, en noir et blanc, inchangeables sauf par un amendement constitutionnel formel.

© Bibliothèque du Parlement / Tom Littlemore

Le Sénat et la Chambre des communes se réunissent dans les édifices du Parlement.

Le premier ministre canadien ne figure pas dans la Constitution écrite jusquen 1982. Il ne contient toujours pas une syllabe sur les qualifications du Premier ministre, la méthode délection ou de destitution ou les pouvoirs du Premier ministre (à lexception de la convocation de conférences constitutionnelles). Aucune de ces questions ne figure dans aucune loi du Parlement , sauf disposition dun salaire, dune pension et dune résidence pour la personne occupant le poste reconnu de premier ministre. Tout le reste est une question dusage établi, de «convention». Aucune loi noblige le premier ministre ou tout autre ministre à avoir un siège au Parlement © Bibliothèque du Parlement / Tom Littlemore; il y a simplement une coutume selon laquelle il ou elle doit avoir un siège ou en obtenir un dans un délai raisonnable. Il ny a rien dans aucune loi qui dit quun gouvernement qui perd sa majorité à la Chambre des communes pour une question de confiance doit démissionner (pour faire place à un gouvernement différent dans la même Chambre) ou demander de nouvelles élections générales.
Une quatrième différence fondamentale entre les systèmes américain et canadien réside dans le type de fédéralisme quils incarnent. Le système américain était à lorigine fortement décentralisé. Le Congrès fédéral sest vu attribuer une courte liste de pouvoirs spécifiques; tout ce qui nest pas mentionné dans cette liste appartenait aux États «ou au peuple» (cest-à-dire, ne relevait ni du Congrès ni daucune législature dÉtat). Les «droits des États» sont fondamentaux. Les Pères de la Confédération, regardant avec horreur la guerre civile américaine, ont décidé que les «droits des États» étaient précisément ce qui l’avait provoquée et ont agi en conséquence.

« Ici, »

a déclaré Sir John A. Macdonald,

«nous avons adopté un système différent. Nous avons expressément déclaré que tous les sujets dintérêt général qui ne sont pas spécifiquement et exclusivement conférés aux gouvernements locaux et aux législatures le seront au gouvernement général et à la législature. Nous avons ainsi évité cette grande source de faiblesse quest le bouleversement des États-Unis. Nous renforçons ainsi le Parlement central © Bibliothèque du Parlement / Tom Littlemore, et faisons de la Confédération un peuple et un gouvernement, au lieu de cinq peuples et cinq gouvernements, avec simplement un point dautorité qui nous relie dans une mesure limitée et insuffisante. »

Les Pères aussi, comme nous lavons vu, ont donné une longue liste dexemples spécifiques de compétences nationales exclusives. Ils prévoyaient en outre que les membres du Sénat et tous les juges des tribunaux de comté (à lexception des juges dhomologation en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick) devraient être nommés par le gouvernement national et que tous les lieutenants-gouverneurs des provinces devraient être nommés, ordonné et démontable par le gouvernement national. Ils ont donné au gouvernement national et au Parlement certains pouvoirs spécifiques pour protéger les droits à l’éducation des minorités protestantes et catholiques des sujets de la reine. Ils ont donné au gouvernement national le pouvoir dinterdire (effacer le recueil des lois) tout acte des législatures provinciales, dans lannée suivant leur adoption.
Aux États-Unis et au Canada, cependant, la signification précise de la Constitution écrite est réglée par les tribunaux. Aux États-Unis, les tribunaux ont, en général, interprété leur Constitution de manière à élargir les pouvoirs fédéraux et étroits des États. Au Canada, les tribunaux (notamment le Judicial Committee du British Privy Council, qui, jusquen 1949, était notre plus haute juridiction) ont en général interprété la Loi constitutionnelle de 1867 de manière à restreindre le pouvoir fédéral et élargir le pouvoir provincial. Le résultat est que les États-Unis sont, en fait, maintenant une fédération beaucoup plus centralisée que le Canada, et le Canada est peut-être devenu la fédération la plus décentralisée du monde. Néanmoins, le fait quen vertu de notre Constitution les pouvoirs qui ne sont pas spécifiquement mentionnés relèvent du Parlement national donne à lautorité centrale suffisamment de force et de marge de manœuvre pour faire face à bon nombre des conditions changées et changeantes que les années ont apportées.

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